Les troubles de l’attachement
Faits saillants
- Les troubles de l’attachement sont peu fréquents dans l’ensemble de la population, mais courants dans les populations qui ont vécu des expériences extrêmement pathogènes pendant la petite enfance.
- Le DSM-5 distingue deux formes de troubles de l’attachement : le trouble réactionnel de l’attachement et le trouble de l’engagement social désinhibé. Le premier désigne l’incapacité de l’enfant à s’attacher à une personne privilégiée et le deuxième, des comportements de sociabilité indiscriminée et d’attachement désinhibé.
- Des « soins pathogènes » précoces sont souvent responsables de ces deux troubles, c’est-à-dire que l’enfant a eu des possibilités d’attachement privilégié extrêmement limitées.
- Les deux troubles sont persistants, mais des soins supérieurs peuvent atténuer le trouble réactionnel de l’attachement.
- Il est recommandé d’offrir des soins sécuritaires et attentifs, tout en traitant les comorbidités.
- Plusieurs traitements commerciaux des troubles de l’attachement ne sont pas validés, ont un potentiel nuisible et doivent être évités.
Historique
Les troubles de l’attachement sont rares au Canada. On en trouve probablement moins de 1 % dans l’ensemble de la population, mais chez les enfants qui ont été victimes de maltraitance flagrante ou qui ont vécu dans un orphelinat inférieur aux normes pendant la première enfance, la prévalence est plus élevée et peut même atteindre 40 %.1,2 Les troubles de l’attachement n’ont pas été évalués au sein des populations de réfugiés, mais on peut s’attendre que les exigences extrêmes avant leur fuite, pendant leur fuite et lors de leur réinstallation peuvent accroître le risque de troubles de l’attachement. Selon la théorie classique de l’attachement, les besoins de proximité physique propres aux enfants de l’espèce humaine avec une ou plusieurs figures d’attachement privilégiées sont amplifiés en situation de stress. John Bowlby, qui a introduit la notion du caractère essentiel de l’attachement pour le sain développement physique et psychologique des humains,3 était d’avis que les neuf premiers mois de vie étaient capitaux pour le développement de l’attachement. D’autres autorités sont d’avis que cette période déterminante peut persister jusqu’à l’âge de trois ans. Les enfants qui s’identifient à une ou plusieurs figures d’attachement pendant la première enfance ont plus de facilité à explorer leur environnement et à se mettre en sécurité s’ils ressentent une menace. Les comportements exploratoires contribuent au sentiment d’efficacité et de contrôle dans l’environnement social.
Il est important de déterminer qui est la figure d’attachement dans la vie de l’enfant. La plupart des études sur l’attachement portent sur l’observation des dyades mère-nourrisson, mais l’attachement monotropique (c’est-à-dire envers une seule figure d’attachement) est rare au quotidien. Dans la plupart des régions du monde, les modèles de soins dominants reposent sur de multiples membres de la famille, la famille élargie et la communauté. Selon certaines recherches, les relations monotropiques engendrent un attachement psychologique solide et une recherche d’autonomie (indépendance) plus tard dans la vie. L’éducation « allotropique », qui mise sur plus d’une figure d’attachement, peut susciter une conception plus généralisée des personnes en qui faire confiance, ce qui favorise une tendance à l’interdépendance plutôt qu’à l’indépendance à l’âge adulte.4 Les divers types d’attachement peuvent refléter les valeurs culturelles dominantes, telles que le collectivisme ou l’individualisme.5
À titre de mise en garde contre « l’impérialisme » théorique, on peut rappeler que chaque culture a créé son propre ensemble de pratiques pour aimer et protéger les jeunes. De même, chaque version de l’attachement peut assurer bel et bien le bien-être individuel, le fonctionnement en communauté et la survie de la culture, car autrement, elle n’aurait pas résisté à l’épreuve du temps. Cependant, la compétence culturelle ne signifie pas accepter ou justifier tout type de pratique parentale au nom de la sensibilité culturelle. La cruauté, l’enchevêtrement et le désengagement sont des pathologies, quel que soit le contexte culturel.6
Les études sur les interactions entre le nourrisson et sa mère dans des situations où l’enfant est exposé à un facteur de stress en laboratoire, tels que le « paradigme de la situation étrange », font ressortir quatre catégories d’attachement :7,8
- Attachement sécurisant. La figure d’attachement est une base sécurisante d’exploration de l’environnement et l’enfant recherche les contacts physiques lorsqu’il le retrouve.
- Attachement anxieux-évitant. L’enfant explore son environnement seul, mais évite la figure d’attachement lorsqu’il le retrouve.
- Attachement anxieux-ambivalent. L’enfant éprouve de la difficulté à se séparer de la figure d’attachement, mais il évite les contacts lorsqu’il la retrouve.
- Attachement désorganisé-désorienté. Toute stratégie de l’enfant pour affronter la détresse avec l’aide de la figure d’attachement échoue. L’enfant affiche une série de comportements qui ne peuvent pas ou ne réussissent pas à réduire son stress auprès de la personne qui s’occupe de lui.
Rappel
Les nourrissons ont une prédisposition génétique à l’attachement.
Le mode d’expression de la relation dépend fortement de l’environnement de l’enfant, et particulièrement du caractère affectueux et attentif des parents :
- Les parents affectueux et disponibles sont plus susceptibles d’avoir des nourrissons qui présentent un attachement sécurisant.
- Les parents insensibles sont plus susceptibles d’avoir des nourrissons qui présentent un attachement évitant.
- Les parents qui donnent des marques d’affection irrégulières sont plus susceptibles d’avoir des enfants ayant un attachement anxieux-ambivalent.
- Les parents effrayés ou effrayants (violents) sont plus susceptibles d’avoir des enfants désorganisés-désorientés.
Des relations d’attachement insécurisant sont des facteurs de risque de pathologie à l’adolescence et à l’âge adulte, mais ne sont pas pathologiques en elles-mêmes.
Chacun de ces types d’attachement est reproduit dans toutes les cultures, mais leur prévalence varie largement au sein de certaines d’entre elles.5 Les catégories donnent une description utile, mais comportent également un jugement de valeur (p. ex., l’attachement sécurisant semble plus sain que le comportement insécurisant). Cependant, trop peu de recherches ont traité de l’influence du contexte de l’enfant, y compris sa situation culturelle et socioéconomique, sur ces profils et sur le développement. L’attachement désorganisé-désorienté, qui se caractérise par des comportements comme figer ou s’accroupir au sol devant la perception d’une menace, ainsi que par des signes de confusion, d’appréhension ou de dépression en présence d’une figure d’attachement, est considéré comme un indicateur précoce de psychopathologie.9
Il est important de souligner que les types d’attachement insécurisant s’associent à des facteurs de risque, particulièrement dans un environnement à haut risque, mais qu’ils ne sont pas pathologiques en soi. C’est un élément de confusion dans les publications sur les réfugiés, car les auteurs confondent souvent l’attachement insécurisant et désorganisé-désorienté avec des troubles de l’attachement établis.10,11
Il convient de répéter que les troubles de l’attachement sont différents de ces types d’attachement insécurisant. Ils découlent de l’absence ou de la disparition de relations d’attachement normales, surtout lorsqu’elles se produisent avant l’âge de trois ans. Les troubles plus précis sont décrits ci-dessous.
Définition, distinction et description
Le DSM-IV définissait le trouble réactionnel de l’attachement (TRA) comme un trouble unique divisé en deux sous-types. Le DSM-5 (tout comme le CIM-10) divise toutefois le TRA en deux troubles distincts : le trouble réactionnel de l’attachement de la première et deuxième enfance et le trouble de l’engagement social désinhibé (TESD). Tous deux font suite à des traumatismes et à des situations de stress découlant d’une extrême négligence ou de « soins pathogènes »12 qui empêchent l’enfant de former un attachement sélectif auprès d’une personne privilégiée.
Lorsqu’un enfant n’est pas en mesure de former une seule relation d’attachement sélective ou privilégiée pendant la première enfance, il souffre d’un TRA. Il n’a pas d’attachement insécurisant, mais il ne s’identifie pas à une figure d’attachement privilégiée pour lui procurer un sentiment de sécurité ou de l’affection.13,14 Il ne cherche pas à se faire réconforter et ne réagit pas aux mesures de réconfort lorsqu’il se sent en détresse. Il peut même résister aux marques de réconfort et démontrer peu de réciprocité sociale ou affective. Ces caractéristiques ne sont pas isolées et transitoires, mais forment un profil transcontextuel durable.1 Le TRA est similaire aux troubles d’internalisation, car l’enfant démontre souvent des signes de retrait, d’inhibition et de perturbation de la régulation des émotions, tels qu’une humeur sombre ou une anxiété marquée.14,15
Cas 1 : Le trouble réactionnel de l’attachement de la première et de la deuxième enfance
Cawaale, qui a quatre ans et deux mois, vous a été envoyé par son pédiatre en raison des inquiétudes exprimées par sa mère. Elle lui a dit : « Je n’ai pas de relation avec Cawaale », qui, la plupart du temps, semble également triste et renfermé. Lorsqu’il se blesse, Cawaale réagit peu, sauf qu’il s’isole dans une autre pièce ou dans un coin. Il repousse les tentatives de sa mère pour le réconforter, en lui tournant le dos ou en se mettant hors de sa portée. Le matin, lorsqu’il arrive à la prématernelle, Cawaale semble toujours anxieux et il lui arrive même de pleurer, mais il refuse d’être réconforté par sa mère ou les enseignants. Son enseignante de prématernelle trouve l’enfant « difficile à atteindre ». Cawaale réagit rarement aux ouvertures de ses camarades et s’adresse aux adultes seulement pour répondre à ses besoins fonctionnels, tels que mettre son manteau ou ouvrir sa boîte à lunch.
Cawaale est né à Mogadiscio. Il a mené une vie de migrant presque dès la naissance et a déménagé presque toutes les semaines, car son père tentait d’échapper à un seigneur de guerre. La mère de Cawaale admet que pendant cette période, son fils n’a pas reçu beaucoup d’attention, à part les soins physiques de base. À quelques occasions, il a été laissé avec des sympathisants politiques pendant quelques jours à quelques semaines. Elle ne sait pas grand-chose des soins qu’il a reçus pendant ces périodes.
Lorsque Cawaale avait neuf mois, son père a disparu. Sa mère ne sait toujours pas ce qu’il est devenu. Elle s’est enfuie dans un camp de réfugiés au Kenya, où elle a vécu avec son fils dans un abri au plancher de terre battue d’une pièce, recouvert d’une bâche. La plupart du temps, sa mère devait laisser Cawaale seul pour enseigner l’anglais afin de suppléer à leurs besoins financiers. Lorsque Cawaale a eu trois ans, le Canada a accepté de l’accueillir avec sa mère à titre de réfugiés parrainés. Ils sont arrivés au Canada quelques mois plus tard. Après quelques difficultés, la mère de Cawaale a trouvé un logement et un emploi au salaire minimum dans l’hôtellerie. Elle fait des journées de 12 heures, six jours par semaine.
Avant et après l’école, Cawaale va dans un milieu de garde familial local. La mère de Cawaale n’est pas satisfaite de la qualité des soins qu’il y reçoit. Elle se plaint que Cawaale reçoit peu d’attention individuelle de la part des éducatrices. Cependant, à cause de sa situation financière, ses choix sont limités.
Points d’apprentissage
- Le dispensateur de soins doit clarifier le rôle de la mère dans le TRA de l’enfant.
- La négligence découle-t-elle des exigences du milieu et de la situation, qui ont empêché la prestation de soins convenables?
- La négligence découle-t-elle des effets de situations d’urgence sur la santé mentale de la mère (p. ex., syndrome de stress post-traumatique [SSPT], dépression), qui ont empêché la prestation de soins convenables?
- La négligence découle-t-elle d’un manque de capacité de la mère, qui n’a rien à voir avec l’émigration?
- Est-ce que certains de ces problèmes persistent ou s’ils ont été résolus?
- La mère peu se sentir blessée par l’absence d’attachement de l’enfant.
- Des conseils de soutien ou une intervention ciblant l’interaction entre la mère et l’enfant peuvent être indiqués.
- La mère aura peut-être besoin d’une intervention pour régler ses problèmes affectifs causés par le traumatisme, y compris le SSPT et la dépression.
- Une entrevue et une intervention d’éducation auprès des éducateurs hors du domicile peuvent être indiquées afin de modifier le comportement de l’enfant.
- Une intervention axée sur l’enfant devrait englober les autres symptômes affectifs.
- Il faut entourer la famille du soutien social le plus complet possible.
- Il faut s’assurer que la famille reçoit toute l’aide et toutes les prestations gouvernementales auxquelles elle a droit.
Contrairement aux enfants ayant un TRA, certains enfants ayant un TESD sont en mesure de former une relation d’attachement privilégié et même sécurisant,14,16 bien que ce soit inhabituel. D’habitude, les enfants ayant un TESD manquent de différenciation entre les adultes.13 Ils peuvent sembler rechercher de l’attention et avoir des relations superficielles.1 Quel que soit le type d’attachement, la principale caractéristique du TESD consiste à afficher une sociabilité indiscriminée et des comportements d’attachement désinhibé, tels que l’absence de méfiance envers les étrangers, le peu de réticences à interagir ou à partir avec un étranger. Ces enfants ont moins de limites sociales. Ils ont donc plus tendance à « explorer l’espace personnel » d’étrangers et à rechercher les contacts physiques avec eux.14,15 Le TESD s’associe également à un taux d’activité et d’impulsivité élevé et peut laisser croire à un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH).
Cas 2 : Un trouble de l’engagement social désinhibé
L’enseignante de première année d’Arom, qui a six ans et trois mois, l’a envoyée en évaluation, car elle s’inquiète de son incapacité à respecter les règles et les habitudes de la classe et de ses fréquentes crises de pleurs. Lorsqu’elle intervient, Arom réagit par des cris et des coups de pied. Selon cette même enseignante, Arom semble amicale, mais ne s’est pas fait de vrais amis. Elle préfère les interactions avec l’enseignante et son assistante, mais aucune des deux n’a l’impression d’avoir une relation étroite avec elle. Arom présente ce qui est considéré comme un retard de langage.
Arom a assisté à une première rencontre en compagnie de ses deux parents. Ils expliquent qu’Arom est fille unique et qu’elle a été adoptée dans un orphelinat thaïlandais à l’âge de deux ans et six mois. Les parents ne savent pas grand-chose de ce qu’elle y a vécu. Ils ont émigré du Bengale-Occidental au Canada lorsqu’ils étaient eux-mêmes de jeunes enfants. Tous deux sont avocats et sont aisés. Ils ont une famille élargie au Canada et s’y fient énormément pour faire garder Arom. Ainsi, Arom va dans trois maisons avoisinantes à tour de rôle pendant la semaine. Sa mère se sent blessée de « ne pas occuper une place privilégiée dans le cœur d’Arom – Arom aime toute personne avec qui elle se trouve. »
Pendant l’entrevue, Arom tente de se faire câliner par sa mère sur le divan, mais celle-ci se recule et dit à l’intervieweur : « Elle veut quelque chose. » Arom n’a aucune réaction, mais grimpe immédiatement sur les genoux de son père. Il la traite avec affection, lui sourit et la serre dans ses bras, mais il hausse les épaules en guise d’excuse et déclare : « Je ne sais pas quoi faire d’autre. » Au bout de quelques minutes, Arom quitte son père pour grimper sur les genoux de l’intervieweur. Lorsque l’intervieweur se lève pour quitter la pièce, Arom tente de le suivre. Arom se laisse facilement distraire par son père, qui lui offre une balle. La balle roule sous une table. Arom continue de la voir, mais ne peut pas l’atteindre. Elle s’acharne dans ses tentatives pour l’atteindre, mais finit par se tourner vers d’autres jouets, sans demander l’aide d’un adulte.
Arom est tour à tour coopérative et réticente pendant l’entrevue. Elle néglige souvent de respecter les directives que lui donne sa mère ou l’intervieweur, mais respecte davantage les directives que lui donne son père. Les deux parents conviennent qu’Arom a un comportement provocateur et qu’il « est souvent plus facile de la laisser faire à sa tête. » Même si Arom sourit beaucoup, particulièrement à son père, elle parle peu. Des tests officiels révèlent des retards de langage réceptif et expressif légers, mais significatifs.
Points d’apprentissage
- Les parents de cette enfant peuvent se sentir blessés et perplexes devant son manque d’attachement privilégié, au point de se sentir impuissants.
- L’adoption risque d’échouer :
- Une éducation et des conseils de soutien peuvent être indiqués.
- Une intervention sur les pratiques parentales peut être indiquée.
- Il faut offrir le soutien social le plus complet possible à la famille.
- Il faut insister sur les questions relatives à la sécurité en présence d’étrangers auprès des parents et de l’enfant.
- Dans la mesure du possible, il faut adopter des mesures de garde stables et prévisibles.
- Une intervention à l’égard des symptômes semblables au TDAH, y compris l’impulsivité et la non-compliance, peut être indiquée.
Il n’y a pas encore de données probantes pour corroborer les définitions de TRA et de TESD contenues dans le DSM-5. L’information contenue dans le présent document repose sur l’étude des sous-types de TRA décrits dans le DSM-IV. Les précisions diagnostiques recommandées pour le DSM-514 promettent de donner de nouveaux points de vue sur ces troubles.
Quelles sont les similitudes? Quelles sont les différences?
- Le trouble réactionnel de l’attachement de la première et la deuxième enfance et le trouble de l’engagement social désinhibé sont des perturbations liées à des traumatismes et à des situations de stress, qui sont liées à une négligence sociale si extrême qu’elles nuisent à la capacité de l’enfant à former un attachement envers une ou plusieurs figures d’attachement privilégiées. Certains éléments des « soins pathogènes » et de leur influence sur l’apparition et la différenciation du trouble sont mal compris.
- Le trouble réactionnel de l’attachement se manifeste lorsque l’enfant ne trouve aucune figure d’attachement pendant la première enfance.
- Le trouble de l’engagement social désinhibé s’associe à une sociabilité indiscriminée et à des comportements d’attachement désinhibé.
Les causes et les facteurs atténuants
On comprend mal les éléments fondamentaux des soins pathogènes et leur association avec l’apparition et la différenciation du trouble.14 Cependant, on sait que les soins pathogènes constituent une condition nécessaire, mais insuffisante, aux troubles de l’attachement. Les enfants qui sont soumis à ces situations ne présentent pas tous un TRA ou un TESD. En fait, la plupart s’en tirent sans séquelles. On sait également que les manifestations comportementales, interpersonnelles et psychologiques du TRA et du TESD sont hautement différenciées. Selon les connaissances actuelles, des facteurs propres à chaque enfant et à de nombreux environnements de la première enfance peuvent atténuer les résultats et, en général, les atténuent bel et bien.
Il est toujours difficile d’établir ou d’évaluer les situations environnementales et les différences entre des soins de mauvaise qualité et des soins pathogènes chez les très jeunes enfants.14 Cependant, les facteurs de risque connus incluent la période passée en orphelinat, l’adoption (chez les enfants élevés en orphelinat), la maltraitance par les parents, une mère qui a été hospitalisée pour des raisons psychiatriques ou une énorme perturbation de la communication entre la mère et l’enfant (chez les enfants élevés dans leur famille).13,14,17 Bien que ces facteurs de risque influent sur l’évolution de chaque trouble, ils ne semblent pas avoir d’influence sur le type de trouble (TRA ou TESD) qui se déclarera chez l’enfant.
Les effets
Le TRA. On possède peu d’information sur la stabilisation des symptômes de TRA. Selon une étude, les symptômes de TRA se stabilisent entre l’âge de 22 et 54 mois, mais la période peut être plus longue chez les enfants qui habitent en orphelinat plus longtemps.16,18 Même si l’attachement de certains enfants demeure compromis à l’adolescence ou à l’âge adulte,1 le TRA réagit heureusement très bien à des soins accrus et soutenus.13,14 ,16
Le TESD. Les comportements indiscriminés associés à ce trouble tendent à persister à l’adolescence.13,14 Les enfants de quatre à huit ans qui ont habité en orphelinat adoptent un comportement trop amical et recherchent l’attention. Le comportement trop amical est particulièrement tenace. À 16 ans, le comportement indiscriminé envers les adultes devient moins prononcé, mais persiste avec les camarades.14 Comme on pouvait s’y attendre, les études démontrent que les symptômes de TESD demeurent particulièrement stables chez les enfants qui habitent longtemps en orphelinat.16 Les enfants ayant un TESD semblent moins réagir à des soins accrus que ceux ayant un TRA.13,14
Les troubles psychiatriques comorbides
Les troubles de l’attachement cohabitent souvent avec d’autres troubles liés aux privations précoces. Ainsi, le TRA peut s’associer à la dépression, aux problèmes d’interactions sociales, au SSPT et aux retards cognitifs et de langage. Quant aux troubles comorbides du TESD, ils peuvent inclure des problèmes d’interactions sociales, des troubles d’externalisation (notamment le TDAH), un SSPT et des retards cognitifs et de langage. Les troubles comorbides du TRA et du TESD peuvent s’atténuer grâce à l’accroissement des soins.
Le diagnostic et le traitement
Les troubles de l’attachement sont difficiles à diagnostiquer. D’après des lignes directrices cliniques,1 il faut observer plusieurs fois l’enfant en train d’interagir avec ses principales figures d’attachement et obtenir les antécédents de ses interactions avec eux. Il faut également l’observer avec des étrangers et obtenir les antécédents détaillés de ses environnements de soins pendant la petite enfance auprès de sources multiples. Il n’existe pas d’outils spécifiques et validés pour dépister ou évaluer les troubles de l’attachement. Le diagnostic dépend entièrement des entrevues, des antécédents et de l’observation du comportement.
Les critères fondamentaux suivants s’imposent lorsqu’on envisage un trouble réactionnel de l’attachement de la première et la deuxième enfance chez un enfant qui vient d’émigrer au Canada :14
- Des comportements d’attachement très perturbés ou inappropriés compte tenu de l’étape de développement, qui se manifestent généralement entre un âge développemental de neuf mois (lorsque l’enfant est en mesure de former un attachement sélectif) et cinq ans, lorsqu’un enfant se tourne rarement, sinon pas du tout, vers une figure d’attachement.
- Une perturbation sociale et affective persistante, accompagnée d’au moins deux des comportements suivants : absence d’attention aux autres, affect positif limité, comme le plaisir ou l’émerveillement, épisodes inexpliqués d’irritabilité, de tristesse ou de peur lors d’interactions avec des adultes non menaçants.
- L’absence de critères diagnostiques des troubles du spectre de l’autisme.
- Des antécédents de soins pathogènes.
Il faut plutôt rechercher les caractéristiques suivantes pour diagnostiquer un trouble de l’engagement social désinhibé :
- Un profil d’approches et d’interactions avec des étrangers, accompagné d’au moins deux des comportements suivants : réticence réduite, trop grande familiarité, vérification réduite auprès de la figure d’attachement et absence d’hésitation à partir avec un étranger.
- Ces comportements ne sont pas caractérisés par l’impulsivité, comme l’est le TDAH.
- Des antécédents de soins pathogènes.
- Un stade de développement d’au moins neuf mois.
Attention!
De nombreux prétendus traitements pour accroître l’attachement peuvent être nuisibles et doivent absolument être évités. Ces interventions dangereuses comprennent :
- la contention ou la contrainte physique (p. ex., l’immobilisation « thérapeutique » ou la « compression »),
- la « reprise » du traumatisme (p. ex., la « thérapie de renaissance »),
- la promotion de la régression pour susciter un « rattachement ».
Ces méthodes n’ont aucun appui empirique et s’associent à des préjudices importants, y compris la mort.1
Même si le diagnostic de trouble de l’attachement se fonde d’abord sur le comportement de l’enfant, il faut également évaluer les attitudes, les perceptions et les comportements de la figure d’attachement. Les cliniciens devront peut-être obtenir de l’information provenant de sources multiples, dans divers contextes. Lorsque le clinicien tient compte des facteurs culturels, il doit évaluer la macroculture de la famille de nouveaux arrivants (p. ex., la Chine) et, dans la mesure du possible, les variations régionales (p. ex., la famille provient-elle d’une région rurale de la Chine continentale ou de Hong Kong?)
La culture fournit un contexte important pour évaluer le comportement de l’enfant. Par exemple, des pratiques parentales ouvertes, courantes dans certaines régions de l’Afrique et de l’Inde, favorisent le recours à des termes de filiation comme « tante » ou même « mère » pour désigner des membres de la famille non nucléaire ou des personnes qui ne font même pas partie de la famille. Dans certaines cultures de l’Afrique occidentale, on s’appuie lourdement sur la socialisation adaptée à l’âge avec l’entourage. Ainsi, pour un étranger, on dirait que les gens utilisent des termes comme « frère » et « sœur » sans discrimination, tandis que ce profil relationnel et linguistique peut découler de pratiques éducatives sanctionnées par la culture.
L’anxiété face aux étrangers est probablement universelle. Elle se manifeste généralement aux alentours de l’âge de huit mois et peut contribuer à protéger des préjudices un enfant qui se développe et qui explore. Cependant, la culture influe sur les manifestations de cette prédisposition. Par exemple, dans certaines régions du Brésil et de l’Afrique, l’accueil de l’étranger fait partie des normes culturelles bien établies. Selon certaines données probantes, chez les enfants, cette pratique culturelle peut entraîner une attitude plus accueillante ou plus indifférente envers les étrangers que chez les enfants de familles euro-américaines.
Une fois le diagnostic posé, le rôle le plus important du clinicien consiste à préconiser la présence d’une figure d’attachement auprès de l’enfant, pour assurer sa sécurité lui donner de l’attention. Le traitement est ensuite mis en œuvre en collaboration avec la figure d’attachement sélectionnée , la dyade figure d’attachement -enfant (ou sa famille), et, s’il y a lieu, avec l’enfant seul.1 Les figures d’attachement doivent participer au traitement. Les enfants ayant un trouble de l’attachement peuvent également avoir besoin d’un traitement d’appoint de l’agressivité et des comportements oppositionnels. Il faut faire preuve d’extrême prudence pour sélectionner les modalités thérapeutiques. À cet égard, il est bon de consulter les lignes directrices pour établir un traitement d’attachement valide de l’American Professional Society on the Abuse of Children.19
Quelques ressources
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Réviseurs scientifiques
Leslie Atkinson, PhD
Morton Beiser, MD
Mise à jour : juillet, 2019