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Guide pour les professionnels de la santé œuvrant auprès des familles immigrantes et réfugiées

Les parasites gastro-intestinaux : un aperçu

Faits saillants

  • Les infections par des parasites gastro-intestinaux sont plus fréquentes dans les régions où l’eau est de mauvaise qualité, les installations sanitaires sont déficientes et les gens habitent dans des logements surpeuplés.
  • Les taux d’infection sont plus élevés chez les enfants qui vivent en Afrique subsaharienne, en Asie, en Amérique latine et dans les Antilles ou qui reviennent de ces régions.
  • Les enfants ayant des infections par des parasites gastro-intestinaux n’ont pas toujours de symptômes. Ils peuvent toutefois vomir et faire de la diarrhée, afficher un arrêt de croissance et présenter d’autres signes et symptômes en fonction du parasite responsable.
  • L’infection par des parasites gastro-intestinaux peut être responsable d’une malabsorption, d’une malnutrition et de l’arrête de croissance s’y associant, ainsi que d’une anémie chronique. Ces problèmes peuvent toucher le développement physique et cognitif de l’enfant.
  • L’examen des selles afin de déceler des œufs et des parasites donne parfois des résultats faussement négatifs. Certains tests diagnostiques rapides des examens des selles, y compris l’amplification en chaîne par polymérase (PCR), permettent de déceler certains parasites.
  • Le traitement des parasites peut améliorer la croissance et l’état nutritionnel, mais les traitements homologués sont limités. Pour traiter certaines infections, il faut utiliser des médicaments qui, au Canada, ne sont offerts que par l’entremise du Programme d’accès spécial de Santé Canada.
  • Le dépistage des espèces de Schistosoma par des tests sérologiques est recommandé auprès des réfugiés et des immigrants récemment arrivés de régions endémiques comme l’Afrique. Si les résultats sont positifs, le traitement est recommandé, même si l’enfant ou l’adolescent est asymptomatique.
  • Le dépistage du Strongyloides stercoralis par des tests sérologiques est recommandé chez les réfugiés immigrants récemment arrivés de régions endémiques comme l’Asie du Sud-Est et l’Afrique. Si les résultats sont positifs, le traitement est recommandé, même si l’enfant ou l’adolescent est asymptomatique.
  • Il n’y a pas de vaccins pour prévenir les infections par des parasites gastro-intestinaux.

Introduction

Les infections par la Giardia et les géohelminthiases (des vers) des espèces Strongyloides et Schistosoma sont courantes dans les populations de réfugiés. Quelque deux milliards d’habitants du monde entier sont infectés par des vers, tels que l’Ascaris lumbricoides (un nématode), le Trichuris trichiura (un trichocéphale) ainsi que le Necator americanus et l’Ancylostoma duodenale (des ankylostomes). On estime que 200 millions de personnes sont infectées par les espèces de Schistosoma et 100 millions, par le Strongyloides stercoralis1. Même si elles sont souvent asymptomatiques ou subcliniques, ces infections peuvent également être responsables de maladies graves et mêmes de décès. La co-infection par de multiples parasites gastro-intestinaux est fréquente chez les enfants de régions à haut risque.

Il est utile pour les cliniciens de connaître les parasites intestinaux prévalents dans diverses régions à haut risque, afin qu’ils puissent demander les tests de dépistage pertinents (tableau 1). Lorsque les rapports des laboratoires de microbiologie signalent la présence de parasites dans les selles, le tableau 2 peut orienter la prescription de thérapies antiparasitaires adaptées aux divers types de parasites pathogènes. Les traitements antiparasitaires sont inutiles pour les parasites non pathogènes. (Voir Les recommandations thérapeutiques, ci-dessous.)

Toutes les régions Afrique Asie Amérique latine Moyen-Orient Europe de l’Est
Tableau 1. Principaux parasites intestinaux observés dans les populations de réfugiés, en fonction de leur région d’origine

A. lumbricoides
T. trichiura

(ankylostomes)
S. stercoralis
Enterobius vermicularis
(oxyures)
Fasciola

Hymenolepis nana (ténia nain)

La plupart des protozoaires, particulièrement la Giardia intestinalis (lamblia)

S. mansoni
S. haematobium
S. intercalatum

Taenia saginata (ténia, particulièrement en Éthiopie et en Érythrée)

Fasciolopsis buski

 

Asie du Sud-Est
Opisthorchis viverrini
Clonorchis sinensis
S. japonicum
S. mekongi

 

Asie du Sud
Taenia solium (ténia du porc)

Taenia solium
S. mansoni

Opisthorchis guayaquilensis (Équateur)

Echinococcus

Giardia

Diphyllobothrium latum

Opisthorchis felineus

Traduction des Centers for Disease Control and Prevention, novembre 2013. Intestinal parasite guidelines for domestic medical examination of newly arrived refugees.

Pathogènes Controversés Non pathogènes
Tableau 2. Parasites courants décelés à l’examen des selles
Nématodes Trématodes Cestodes Protozoaires Protozoaires Autre Protozoaires

Ascaris lumbricoides Ankylostomes (Necator americanus et Ancylostoma duodenale) Trichuris trichiura
Strongyloides stercoralis

Schistosoma (S. mansoni, S. haematobium, S. japonicum)

Autres douves (espèces d’Opisthorchis), Fasciola, Paragonimus westermani

Taenia solium
Taenia saginatum

Hymenolepis nana

Entamoeba histolytica*
Giardia intestinalis (également connu sous le nom de G. lamblia ou G. duodenalis)

Dientamoeba fragilis (diarrhée)
Entamoeba polecki (diarrhée)

Blastocystis hominis (diarrhée)

Entamoeba dispar*
Entamoeba moshkowskii*
Entamoeba coli
Entamoeba hartmanii
Endolimax nana lodamoeba butschlii
Chilomastix mesnili

*Les kystes de l’E. histolytica, de l’E. dispar et de l’E. moshkowskii ont le même aspect au microscope. Après leur détection, il est recommandé de procéder à un test de dépistage des antigènes dans les selles pour distinguer l’E. histolytica au potentiel pathogène d’espèces non pathogènes plus courantes.

Traduction des Centers for Disease Control and Prevention, novembre 2013. Intestinal parasite guidelines for domestic medical examination of newly arrived refugees.

Le présent site contient de l’information sur les infections parasitaires courantes, de même que des suggestions de traitement pour les enfants et les adolescents nouvellement arrivés au Canada :

  • Les nématodes
  • Les trématodes (douves)
  • Les cestodes ou les ténias
  • Les protozoaires et les coccidies pathogènes

Qui devrait subir le dépistage?

Même si les enfants sont plus vulnérables aux parasites intestinaux que les adultes2, le dépistage systématique de ces infections chez les enfants ou les adultes ne fait pas partie des examens médicaux obligatoires chez les nouveaux immigrants ou réfugiés au Canada. De plus, les recommandations actuelles ont tendance à s’attarder sur le dépistage des réfugiés plutôt que de l’ensemble des immigrants3-5. En 2011, 21 % des réfugiés au Minnesota ayant subi des tests de dépistage avaient au moins un parasite intestinal. La prévalence la plus élevée, à 25 %, s’observait chez les personnes originaires d’Asie du Sud-Est. Les autorités sanitaires de la région ont recommandé que tous les réfugiés subissent un test de dépistage des infections parasitaires, même s’ils sont asymptomatiques.

Les recommandations s’établissent comme suit 3:

  • L’analyse sanguine du Schistosoma chez les réfugiés et les immigrants récemment arrivés de régions hautement endémiques, particulièrement l’Afrique. Si les résultats sont positifs, le traitement est recommandé, même si l’enfant est asymptomatique.
  • L’analyse sanguine des Strongyloides chez les réfugiés et les immigrants récemment arrivés de régions hautement endémiques, notamment l’Asie du Sud-Est et l’Afrique. Si les résultats sont positifs, le traitement est recommandé, même si l’enfant est asymptomatique. Si un patient présente une éosinophilie (numération des éosinophiles sanguins >500/mL), il faut effectuer les tests. Voir le tableau 3 et la rubrique ci-dessous.
  • La recherche d’œufs et de parasites dans les selles peut donner des résultats faussement négatifs. Des tests diagnostiques rapides, y compris l’examen des selles par PCR pour déceler des parasites comme l’E. histolytica, le Cryptosporidium et la Giardia, commencent à être commercialisés au Canada6.

L’éosinophilie

L’éosinophilie (numération des éosinophiles sanguins >500/mL), décelée par formule sanguine chez des nouveaux arrivants asymptomatiques ou symptomatiques, peut indiquer une infection par des géohelminthiases comme la Strongyloides ou le Schistosoma. Cependant, le tableau 3 révèle d’autres causes parasitaires et non parasitaires que le dispensateur de soins devrait envisager.

Tableau 3. Les causes d’éosinophilie
Parasites responsables d’éosinophilie souvent présents dans les selles Autres parasites associés à l’éosinophilie généralement absents des selles Parasites souvent présents dans les selles qui ne sont PAS associés à l’éosinophilie Causes non parasitaires d’éosinophilie

A. lumbricoides
Ankylostomes
T. trichiura
S. stercoralis
*
Ténia Schistosoma (généralement S. mansoni*, S. haematobium*, S. japonicum*)
Autres douves (Paragonimus*, Opisthorchis*, Fasciola*)

Angiostrongylus,
Anisakis,
Capillaria
Cysticercose
Echinococcus

Filarioses (Wuchereria bancrofti, Brugia, Mansonella, Onchocerca volvulus, Dracunculus medinensis [ver de Guinée], Loa loa [nématode])

Entamoeba (p. ex., E. histolytica, E. dispar)
Cryptosporidium parvum
Giardia intestinalis (lamblia ou G. duodenalis)

Asthme
Atopie
Allergie aux médicaments
Leucémie à éosinophiles
Lymphome de Hodgkin
Syndrome hyperéosinophilique
Vasculite/maladies auto‑immunes
Infection par le VIH
Œsophagite  ou gastroentérite à éosinophiles

*Pour déceler ces parasites, il faut souvent recourir à des tests spéciaux ou à de multiples prélèvements pour poser le diagnostic.

Traduction adaptée des Centers for Disease Control and Prevention, novembre 2013. Intestinal parasite guidelines for domestic medical examination of newly arrived refugees.

Les recommandations thérapeutiques

De nombreux parasites protozoaires ne sont pas pathogènes et n’ont pas besoin d’être traités (tableau 2). Cependant, leur présence indique que le patient nouvel arrivant a résidé dans des régions où les installations sanitaires déficientes et la contamination féco-orale étaient courantes.

Les personnes chez qui les tests révèlent des parasites pathogènes (p. ex., amibiase, strongyloïdiose, schistosomiase) devraient être traitées pour réduire au minimum les complications à long terme, qu’elles soient symptomatiques ou non5.

Il est recommandé de consulter un spécialiste de l’infectiologie pédiatrique ou des maladies tropicales dans les cas suivants :

  • Le traitement d’organismes susceptibles d’être persistants et de provoquer une maladie chronique (p. ex., strongyloïdiose, schistosomiase et trématodes d’origine alimentaire [douves]).
  • Les infections devant être traitées à l’aide de médicaments provenant du  Programme d’accès spécial de Santé Canada.
  • Les patients qui reçoivent un diagnostic d’infection grave comme la neurocysticercose (ténia du porc, qui peut toucher le cerveau ou la moelle épinière). Il s’agit de cas urgents, et une consultation avec un spécialiste s’impose pour évaluer les risques et les avantages de la prise en charge médicale.

Programme d’accès spécial de Santé Canada
Par l’entremise du Programme d’accès spécial (PAS) de Santé Canada, les praticiens peuvent obtenir des médicaments qui ne sont pas en vente au Canada. Ainsi, ce programme permet à des patients atteints de graves maladies d’avoir accès à des traitements d’urgence. Le site Web de Santé Canada contient plus d’information sur le programme, ainsi que les formulaires de demande.

Pour en savoir plus sur les traitements des enfants et des adolescents atteints d’infections parasitaires, lisez les modules suivants :

  • Les nématodes
  • Les trématodes (douves)
  • Les cestodes ou ténias
  • Les protozoaires et les coccidies pathogènes

La prévention

Il n’y a pas de vaccins pour prévenir les infections par des parasites gastro-intestinaux.

Depuis 2001, l’Organisation mondiale de la santé recommande une chimiothérapie périodique préventive à l’albendazole ou au mébendazole pour traiter les géohelminthiases. Il est également recommandé d’amorcer un traitement ultérieur à l’ivermectine (pour les Strongyloides) et au praziquantal (pour la schistosomiase) chez les enfants d’âge scolaire ou les communautés vulnérables dans les régions endémiques6.

Les États-Unis et l’Australie administrent un traitement antiparasitaire aux réfugiés des régions à haut risque. Une étude auprès de presque 27 000 réfugiés africains et asiatiques du sud-est a clairement démontré qu’une dose unique d’albendazole faisait passer de 20,8 % à 4,7 % la prévalence de toute géohelminthiase avant leur immigration. Ce traitement faisait également reculer de 77 % les infections à nématode (ascaridiose et ankylostome), mais avait peu d’effet, sinon aucun, sur les infections protozoaires (Giardia), le S. stercoralis, les espèces de Schistosoma ou les ténias1,5,7.

Les Centers for Disease Control ont mis au point un algorithme, en anglais, afin d’aider les cliniciens à prendre en charge les parasites gastro-intestinaux chez les nouveaux arrivants qui n’ont pas été traités avant l’immigration1.

Les infections par des parasites gastro-intestinaux chez les enfants immigrants et réfugiés fournit de l’information plus détaillée sur le dépistage et le traitement au Canada.

Quelques ressources

Références

  1. U.S. Department of Health and Human Services, Centers for Disease Control and Prevention (National Center for Emerging and Zoonotic Infectious Diseases, Division of Global Migration and Quarantine), November 6, 2013. Intestinal parasite guidelines for domestic medical examination of newly arrived refugees: Presumptive treatment and screening for Strongyloidiasis, Schistosomiasis and infections caused by soil-transmitted helminths for refugees.
  2. Pottie K, Greenaway C, Feightner J et coll. Evidence-based clinical guidelines for immigrants and refugees. Appendix 8: Khan K, Heidebrecht C, Sears J et coll.; Collaboration canadienne pour la santé des immigrants et des réfugiés (CCSIR). Intestinal parasites – Strongyloides and Schistosoma: Evidence review for newly arriving immigrants and refugees.
  3. Minnesota Department of Health. Minnesota refugee health provider guide 2013: Parasitic infections.
  4. Boggild AK, Yohanna S, Keystone JS, Kain KC. Prospective analysis of parasitic infections in Canadian travelers and immigrants. J Travel Med 2006;13(3):138-44.
  5. Swanson SJ, Phares CR, Mamo B et coll. Albendazole therapy and enteric parasites in United States-bound refugees. N Engl J Med 2012;366(16):1498-507.
  6. Knopp S, Steinmann, Keiser J, Utzinger J. Nematode infections: Soil-transmitted helminths and trichinella. Inf Dis Clin North Am 2012;26(2):341-58.
  7. U.S. Department of Health and Human Services, Centers for Disease Control and Prevention (National Center for Emerging and Zoonotic Infectious Diseases, Division of Global Migration and Quarantine), September 17, 2013. Guidelines for overseas presumptive treatment of strongyloidiasis, schistosomiasis, and soil-transmitted helminth infections for refugees resettling to the United States.

Réviseurs scientifiques

Heather Onyett, MD

Mise à jour : avril, 2018